Des nouvelles.
Suite à mon voyage en Palestine, je reçois des nouvelles par mail. Je vous en livre le contenu ci dessous.
P. Leeuwenberg
Le 30 janvier 2015
"Le 23 janvier 2015
Le Palestinian Popular Committees a organisé aujourd'hui une manifestation pacifique au sud de Bethlehem. L'objectif était de
construire un village symbolique en commémoration de la mort du ministre-martyr Zaid Abu Ein, tué en décembre dernier. Une telle initiative a eu lieu une première fois la semaine
dernière.
Pour la seconde fois, le "village" a été détruit. Agissant avec violence contre les manifestants palestiniens, plusieurs ont été
blessés. Les soldats israéliens ont aussi arrêté deux activistes: Hassan Brijeh du village de Al Masara et Yousef Abu Maria du village de Beit Omar. Après les avoir frappé avec les mains et leurs
armes, ils furent emmenés. La manifestation pourtant pacifique a ainsi été violemment réprimé par les soldats israéliens.
Retour de Palestine
En octobre 2014, j’étais en Cisjordanie une semaine avec l’AFPS (association France Palestine Solidarité) et le MAN (Mouvement pour une Alternative Non violente) et d’autres élus (Lela Bencharif et Pierre Trapier).
Ce qui choque en revenant, c’est le niveau de désinformation et de propagande dans notre pays. Les médias, la plupart, parlent de « vague de violence » pour des jets de cailloux mais ne rendent jamais compte de la violence quotidienne subit par les palestiniens, citent les accords d’Oslo mais n’expliquent pas le découpage des territoires et l’enfer qu’ils font vivre à ses habitants, ne traversent pas le mur pour voir et dire ce qu’il se passe derrière.
Un taxi nous a amené derrière, sans difficulté, longeant parfois le mur, des champs d’olivier, des villages ou des colonies au toit rouge.
Nous avons rencontrés une vingtaine d’acteurs, gouverneurs, maires, ex ambassadrice, militants associatifs, agriculteurs, jeunes, femmes, leaders des comités populaires et logés chez l’habitant.
Nous sommes passé d’une zone A à B à C, puis dans une zone militaire israélienne ou naturel ou archéologique. De zone en zone.
Nous avons visité des villes, Hébron, Beit Ummar, Jéricho, Bethléem et Jérusalem, des « villages », et des « campements ». « Campements » ou « lieux indignes » en zone C pour des populations chassées, habitants ou plutôt survivants dans des grottes, dans des montagnes de cailloux où toutes construction est interdite, où l’armée détruit des écoles, des habitations sommaires et même des toilettes publiques de 2m2.
Nous avons visité des parcelles agricoles sous les collines où s’installent les colons. Ils déversent leurs égouts sur les cultures, font des incursions pour les détruire. L’armée jette des bombes dans les citernes d’eau et pose des arrêtés de destruction de bâtiments agricoles. Nous avons rencontré ces agriculteurs et ces femmes qui s’organisent en coopérative pour vendre et transformer leur raisin pour contrer le raisin voisin vendu à perte, guerre économique sournoise.
Nous sommes passé plusieurs fois sur ce rond point, truffé de caméras, surveillé par une guérite et entouré de check-point où aurait été enlevés les trois israéliens qui ont servi de prétexte au bombardement de Gaza cet été 2014. Où sont les vidéos ? Quel média Français est allé voir sur place la crédibilité des informations de l’armée et du gouvernement ?
Nous avons parcouru ces routes de « contournement du mur » financé par la communauté internationale, un soutien à la politique de colonisation déguisé en œuvre charitable.
Nous avons vu les manifestations du vendredi pour la paix où une poignée de palestiniens armés de leur parole buttent sur un mur de soldats armés de fusils mitrailleurs. Nous avons entendu l’envie de cultiver les terres du grand père sans risquer une attaque de colons, de se déplacer sans contrôles arbitraires, d’avoir l’accès à l’eau, de construire une école et d’éduquer des enfants.
Nous avons vu et vécu comment sont entretenues la peur et la paranoïa côté israélien qui justifient les murs, les clôtures, la colonisation, l’armée partout, les « mesures de sécurité ». Plus de quatre heures pour entrer en Israël et deux heures d’interrogatoire, de fouille et d’analyses chimique à la sortie.
Nous avons été accueillis chaleureusement, bu thé et café. Moussa et Rachid, 35 ans dont 5 à 7 en prison pour avoir manifesté. Ibrahim, 50 ans dont 33 d’interdiction de sortie du territoire et 12 ans de procès pour récupérer une terre volée. Bédouins, exilés permanent, faisant pâturer des brebis sur des cailloux. Paysans travaillant la nuit pour éviter les armes des colons. Femmes dont les maris sont en prison. Jeunes (sur)diplômés au chômage. Des gens dont les seules armes sont le travail, la parole, qui croient, malgré tout, à une paix possible, à une solution politique et qui comptent sur nous.
Personne ne parle de guerre de religion, de volonté de détruire Israël mais de désir de vivre en paix, arabes, israéliens, chrétiens. Tous parlent de la reconnaissance de l’État palestinien. Certains, plus utopiste ?, souhaitent un seul État où palestiniens et israéliens vivraient en paix
Il n’est plus acceptable de se retrouver devant le fait accompli. Voir une colonie s’implanter par la force, l’armée entrer dans les maisons, embarquer des enfants et leur pourrir la vie, enfermer des militants politiques sans jugement. Il n’est pas acceptable qu’un pays ne respecte pas le droit international, et il est encore plus insupportable que ses pions (armée, colons, etc) bafouent chaque jour les droits humains les plus élémentaires. Ce que nous avons vu et entendu, nous l’avons déjà lu dans nos livres d’histoire et nous savons où cela peut mener. C’est une insulte à l’humanité.
Les palestiniens parlent de "nettoyage ethnique" ou d’"apartheid". Ce sont des mots bien pesés.
Lorsque la communauté internationale agit, que ce soit les gouvernements (reconnaissance de l’Etat palestinien) ou les peuples (manifestations de soutien, coopération, boycott), la vie change en Cisjordanie et s’améliore parfois, ne serait-ce que par l’espoir amené.
Tous les palestiniens rencontrés s’organisent, résistent, pour vivre tout simplement. Tous comptent sur nous pour peser sur Israël.
Nous devons pousser la France à reconnaître l’état palestinien et à agir au sein de l’Europe (l’Allemagne reste tétanisé par ce sujet) pour que les négociations de paix reprennent et aboutissent. L’Europe et les Nations Unis ne peuvent continuer à faire payer au peuple palestinien leurs erreurs passées.
« Ils peuvent me mettre en prison, détruire ma maison et mes cultures, me couper l’eau, raser l’école du village, confisquer téléphone et ordinateur, ils ne m’enlèveront jamais l’espoir qui est en moi ». Rachid, JVS, Fasayel.
Philippe Leeuwenberg
Octobre 2014